L’intersectionnalité de l’oppression

Une personne ne peut se définir par une seule catégorie sociale : que ce processus relève de l’identification individuelle ou des étiquettes imposées par sa société, l’individu se positionne toujours au croisement de plusieurs catégories.

Une femme pauvre et handicapée ne peut pas expliquer son vécu de l’oppression uniquement par son appartenance à la catégorie Femme puisque d’autres rapports de pouvoir jouent pour déterminer sa place dans la société. En comparaison, pour un homme riche, blanc et hétérosexuel, le handicap ne sera pas aussi déterminant quant à ses conditions de vie. Ou encore, un individu mâle homosexuel ne peut pas être identifié seulement comme membre de la classe dominante masculine puisqu’au sein de cette catégorie sociale, il subit un processus d’exclusion.

> Intersectionnalité L’intersectionnalité véhicule l’idée selon laquelle les rapports
de pouvoir entre différentes catégories sociales, s’entrecroisent, se conjuguent
pour déterminer la position sociale d’un individu et son vécu de l’oppression.

La notion d’intersectionnalité a été mise de l’avant par la juriste afro-américaine Kimberlé Crenshaw. Son analyse des lois contre la discrimination aux États-Unis démontrait que celles-ci conduisent à favoriser les femmes blanches et les hommes noirs. La situation particulière des femmes noires n’était pas prise en compte. Crenshaw utilise une métaphore géométrique (un point d’intersection géographique) pour décrire l’influence de rapports d’oppression qui se chevauchent et les expériences intersectionnelles de personnes de sexe féminin et noires.-15

La notion d’intersectionnalité souligne donc l’interdépendance des catégories sociales et propose d’analyser le positionnement (point d’intersection) d’un individu dans les rapports sociaux plutôt que son appartenance à une ou plusieurs catégories sociales.


Femmes autochtones au Canada : une double oppression

Au Canada, l’affaire Lovelace a mis en lumière un processus de discrimination multiple. En 1977, Sandra Lovelace dépose une plainte devant le Comité des droits de l’homme des Nations Unies pour discrimination relative à la Loi sur les Indiens qui privait les femmes autochtones de leur statut lorsqu’elles épousaient des non-Autochtones alors que dans la même situation, un homme ne perdait pas son statut d’Indien ni les droits associés. En 1981, le Comité statue que cette loi canadienne est en violation du Pacte international sur les droits civiques et politiques. Pour défendre son verdict, le comité se base sur le droit à la culture, à la langue et à la religion des personnes appartenant aux minorités nationales. Malgré la pétition de Mme Lovelace, le Comité n’a pas considéré la discrimination fondée sur le sexe de la plaignante.

Vingt ans plus tard, la juge canadienne Claire L’Heureux-Dubé reconnaît pour sa part la double oppression vécue par les femmes autochtones :

Les femmes autochtones, que l’on peut dire doublement défavorisées en raison de leur sexe et de leur race, font partie des personnes particulièrement touchées par les mesures législatives […], de par leur histoire et leur situation dans les sociétés canadienne et autochtone. Affaire Corbeil, 1999, au sujet du droit de vote des autochtones hors réserves.

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15- Crenshaw, Race, reform and retrenchment: Transformation and Legitimation in Antidiscrimination Law.