Chapitre 3 Canadien-ne-s en solidarité internationale

Lorsque nous clamons notre solidarité avec les peuples du Sud, que nous exigeons pour eux (ou avec eux ?) des droits et du développement, nous lançons cet appel depuis nos écoles, notre confort, notre sécurité. Avant nous, d’autres bonnes intentions ont été formulées à l’égard des ” peuples étrangers ” pour leur apporter les bienfaits de notre civilisation, de notre modernité. Il y a 500 ans, l’Occident prétendait exporter ses valeurs hors de ses frontières, l’entreprise s’est soldée par le génocide et l’esclavage de millions d’êtres humains. Ces cicatrices divisent aujourd’hui le monde. En tant qu’Occidentaux, blancs pour la majorité, lorsque nous parlons du ” Sud “ou des pays ” sous-développés “, nous parlons de cette histoire coloniale. Et alors que notre gouvernement exporte la paix, les droits et la démocratie, c’est cette même histoire qui se poursuit sous les bottes de nos soldats, derrière les dollars investis par nos compagnies. Nous tissons des liens avec les perdant-e-s de cette histoire et puisque nous voyons en eux et elles nos égaux, nous refusons de croire en la fatalité de leur pauvreté, de leurs violences, de leur ” retard ” : nous accusons un système qui érige son pouvoir en les écrasant. Pourtant, nous sommes confortablement installé-e-s au centre de sa victoire, jouissant des privilèges du peuple conquérant.

La majorité des Québécois-e-s impliqué-e-s dans des mouvements de solidarité internationale font partie d’une ou plusieurs « catégories sociales dominantes » et jouissent conséquemment des privilèges qui leur sont associés. [Voir Chapitre 1.] Nous sommes donc en permanence aux prises avec une série de contradictions s’immisçant entre notre position privilégiée et notre désir d’égalité. Dans ce chapitre, nous proposons de soulever certaines réflexions quant à notre rôle en tant que militantes du Nord œuvrant au sein de réseaux de solidarité internationale. Pour ce faire, nous proposons d’identifier les privilèges propres à l’exercice de la solidarité internationale pour réfléchir aux moyens de transférer ces privilèges afin de renverser les rapports inégaux entre actrices du Nord et du Sud. Nous explorons ici certaines pistes de réflexions sans prétendre offrir de recettes miracles. Si certaines des recommandations semblent sortir tout droit d’un guide moral de la solidarité, c’est que nous avons encore beaucoup à faire pour décoloniser notre solidarité!