Dans l’histoire de l’humanitaire, la notion la plus ancienne est sans doute celle de charité. Elle se retrouve dans les traditions religieuses du judaïsme, du christianisme et de l’islam ; la charité y représente une obligation morale qui doit s’exprimer par des dons, l’aumône ou la zakât (un des cinq piliers de l’islam). L’impératif d’aider les gens dans le besoin se traduit, entre autres, par les missions caritatives en faveur des malades et des victimes de la guerre. Règle générale, les œuvres de charité ne remettent pas en question les causes de la pauvreté ou de la guerre mais cherchent plutôt à pallier la souffrance humaine.
La charité constitue, depuis l’avènement de la religion chrétienne, une haute vertu théologale consistant dans l’amour de Dieu et du prochain en vue de Dieu. Elle compense, là, les effets de l’inégalité, appelant la compassion envers les pauvres, les démunis, les blessés de l’âme et du corps qui sont, toutefois, invités à subir leurs maux, la Rédemption ne venant qu’avec la Vie Éternelle.(27) Véronique Magniny, juriste française.
Les actrices et acteurs de la charité étant nombreux et diversifiés, plusieurs lectures s’imposent. Les principales critiques adressées à la charité soulignent que ce type d’œuvre sociale favorise le statu quo en allégeant les manifestations de l’inégalité sans remettre en cause les rapports de pouvoir responsables. Selon cette lecture, la charité vise non seulement à protéger l’ordre social existant mais également à apaiser la mauvaise conscience des mieux nantis. La Guignolée (v) orchestrée dans le temps de Noël par l’empire Péladeau offre à ces critiques une cible de choix. Néanmoins, d’autres soutiennent que devant l’impossibilité de renverser cet ordre social à court terme, la charité constitue une réponse solidaire face à la pauvreté systémique. Par exemple, le fait de recueillir des dons pour la construction d’une école en territoire palestinien occupé peut être perçu comme un geste solidaire fondé sur des positions politiques plutôt que comme un appui au statu quo (dans ce cas le maintien de l’apartheid israélien).
La charité n’est certes pas la seule voie empruntée par les militant-e-s d’inspiration religieuse. Par exemple, au sein de l’Église catholique, les adeptes de l’Option préférentielle pour les pauvres s’investissent dans les luttes sociales afin de s’attaquer aux causes de la pauvreté plutôt que d’en soigner les manifestations. [Voir : Théologie de la libération]
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v- La Guignolée Pierre Péladeau est lancée en 1998 par le milliardaire québécois du même nom pour récolter les dons du public. En 2001, les grands médias se regroupent pour poursuivre l’initiative et organiser la Guignolée des médias qui est aujourd’hui couronnée des bannières de grandes entreprises, telles Loblaws, Maxi & Cie , Jean Coutu, Banque Laurentienne, etc.
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27- Magniny, Les réfugiés de l’environnement, p. 139.