Catégories sociales et rapports de pouvoir

> Catégorie sociale: Les catégories sociales sont des construits sociaux groupe social tout comme elles peuvent être utilisées pour invoquer une étiquette sociale que les autres attribuent à l’individu, étiquette qui repose souvent sur l’apparence physique et le processus de socialisation.

Partout où l’on pose les yeux, il y a des gens trop pauvres pour vivre dans la dignité et il y a des gens excessivement riches. Il y a des femmes qui marchent avec peur la nuit et des hommes qui se sentent en sécurité peu importe l’heure. Il y a des jeunes noir-e-s qui subissent le profilage à caractère raciste (dit « profilage racial ») du corps policier et des jeunes blanc-he-s qui n’ont pas à s’en inquiéter. Il y a des cultures dominantes qui affichent leur langue et leurs valeurs et d’autres, souvent autochtones ou immigrantes, qui sont reléguées au folklore. Il y a des couples qui expriment leur affection en public et d’autres qui se cachent des regards haineux. Loin d’être exhaustive, cette liste pourrait malheureusement s’allonger à l’aide de multiples autres facteurs d’exclusion : religion, citoyenneté, langue, capacités, etc.

Qu’on les nomme injustices, inégalités, exclusions ou discriminations, ces réalités sociales sont des rapports de pouvoir entre catégories sociales. Ces rapports de pouvoir conditionnent le vécu de l’oppression.

> Oppression Action d’asservir par son pouvoir, son autorité sur l’Autre. En sciences sociales, l’oppression se réfère au pouvoir qu’exerce un groupe social hégémonique sur les autres groupes sociaux. Ce groupe dominant opprimera les membres des groupes plus faibles afin de conserver ses privilèges (pouvoir économique, social, politique,etc.).
L’oppression, c’est donc la façon dont le pouvoir et les privilèges d’un groupe dominant sont maintenus, soit par la force, les menaces physiques, psychologiques, sociales, économiques, institutionnelles ou systémiques.-10

Loin d’être figés, ces rapports évoluent et se modifient dans l’histoire humaine. Ce qui semblait naturel hier est dénoncé aujourd’hui comme étant des divisions sociales arbitraires maintenues par des rapports d’oppression. Ainsi, les sociétés esclavagistes qui voyaient en l’esclave un être de catégorie inférieure, né pour être dominé, ont été dénoncées et les catégories maîtres et esclaves ont été mises à jour en tant que construction sociale, détruisant ainsi l’idéologie esclavagiste qui prétendait que cette domination relevait d’un ordre naturel, voire divin.

Classes sociales

De la même façon, la lutte de classes inspirée de l’idéologie marxiste a mis en évidence la division des sociétés en classes sociales prolétaires et bourgeoises où l’une détient les moyens de production et l’autre vend sa force de travail. Loin de s’effacer au sein d’un nouvel ordre néolibéral, les inégalités économiques se creusent à l’intérieur des sociétés et entre elles. Les classes sociales et leurs différentes appellations ― pauvres, classe moyenne, élite économique, etc. ― sont aujourd’hui largement définies notamment par le métier, l’éducation, les qualifications, les revenus, les possessions.

Classe de sexes et hétérosexisme

Pour sa part, le mouvement féministe radical a démontré la construction sociale de la féminité et de la masculinité. Si le sexe est une donnée biologique, la culture qui lui est associée (les pratiques sociales comme la division des tâches, les caractéristiques de personnalité associées au genre, etc.) varie dans l’histoire et selon les sociétés. Le genre, féminin ou masculin, est une catégorie sociale.

« On ne naît pas femme, on le devient. » Simone de Beauvoir, Le Deuxième sexe.

Les luttes des gais et lesbiennes ont mis de l’avant une analyse de l’hétéronormativité qui fait de l’hétérosexualité la norme sociale universelle et de l’homosexualité l’exception, voire la déviance.

Race sociale

Le mouvement des Afro-américain-e-s aux États-Unis a quant à lui mis en évidence l’apartheid silencieux entre les Blancs et les Noirs, dénonçant l’idéologie raciste et ses implications. Ce mouvement a déconstruit la notion de race en tant que donnée naturelle pour montrer le processus de racialisation des non-Blancs, en tant que catégorie sociale opprimée.

> Apartheid est un terme afrikaner pour apartness, qui signifie séparer, mettre à part, tenir à l’écart. Il peut se résumer comme l’institutionnalisation d’un régime de discrimination raciale systématique ou plus précisément, « un système politique où le racisme est règlementé dans la législation par des lois du Parlement ». – 11

Colonialisme et occidentalocentrisme

Les mouvements anticoloniaux ont pour leur part non seulement dénoncé les rapports entre pays coloniaux ou impérialistes et pays ou peuples colonisés, mais également les catégories sociales créées au sein même des sociétés entre Blancs,et Indiens ou Noirs (en tant que descendant-e-s d’esclaves) de même que les autres rapports entre catégories ethnicisées héritées généralement du passé colonial. Outre les rapports de subordination, les luttes pour l’autodétermination, entre autres celles des peuples autochtones, ont permis de démontrer l’hégémonie de la culture occidentale sur les autres systèmes de croyances et d’organisations sociales.

Validisme
Les associations de personnes handicapées et leurs allié-e-s mènent des luttes contre la discrimination fondée sur les capacités physiques ou mentales des individus. Par exemple, la Cour suprême du Canada a défini que ce qui constitue un handicap ne relève pas des restrictions ou des conditions biomédicales d’une personne, mais plutôt de la discrimination qu’elle vit en tant que personne handicapée.-12 La Cour se réfère au « processus de production du handicap », désignant non pas lesdites incapacités de la personne mais les « différents obstacles ou facilitateurs rencontrés dans le contexte de vie qui [pourront] la placer en situation de pleine participation sociale ou au contraire de handicap ».-13

> Validisme Discrimination fondée sur les capacités physiques, mentales ou émotionnelles. La personne valide n’a pas conscience qu’elle est valide ; elle se dit normale ce qui l’empêche de voir que les infrastructures, les représentations du corps, les normes sociales, etc., excluent une partie de l’humanité.

 

Race, Ethnie, Culture ?

Bien que le terme de race n’ait plus sa place dans les discours politiquement corrects, le processus de racialisation des individus et les structures racistes de nos sociétés n’ont pas pour autant disparu. Il est courant aujourd’hui de le remplacer par de nouvelles catégories sociales abstraites telles qu’ethnie ou culture. Au lieu de parler des Noirs, on parlera de la communauté culturelle, du groupe ethnique, de la minorité ethnoculturelle, etc. En ce qui concerne la catégorisation culturelle des individus, elle comporte le risque d’affirmer le caractère immuable de la culture comme étant un fait statique, biologiquement héréditaire alors que la culture relève de processus historiques prenant place dans certaines conditions sociales et politiques. Loin d’être neutre, la catégorisation culturelle, les processus de racialisation et d’ethnicisation sont généralement le fait du groupe dominant qui étiquette la différence dans une catégorie minoritaire.

Les concepts d’ethnicité et de race reposent sur un mythe d’ascendance collective où l’individu ethnicisé ou racialisé est associé à certaines caractéristiques jugées naturelles qu’il partage avec un groupe perçu comme homogène en raison du lieu de naissance, de la religion, de la langue, etc.

Le processus d’ethnicisation ou de racialisation est généralement l’œuvre du groupe hégémonique définissant une catégorie sociale pour les « Autres », différents, minoritaires.

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10- Groupe d’expertes sur les mécanismes de responsabilisation pour l’égalité entre les sexes. 2005. Rapport final :
L’égalité pour les femmes : Au delà de l’illusion. Condition féminine Canada. [En ligne] : http://www.cfc-swc.gc.ca/re-
sources/panel/report/report_f.pdf (Consulté le 17 décembre 2010.)
11- Davis, Apartheid Israel, p. 37
12- Jugement de la Cour Suprême du Canada. Affaire Mercier (2000). Québec (Commission des droits de la personne et des
droits de la jeunesse) c. Montréal (Ville); Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c.
Boisbriand (Ville), [2000] 1 R.C.S. 665. [En ligne] http://scc.lexum.umontreal.ca/fr/2000/2000csc27/2000csc27.html
(Consulté le 21 janvier 2011.)
13- Réseau international sur le processus de production du handicap. [En ligne]: http://www.ripph.qc.ca/?
rub2=2&rub=6&lang=fr
(Page consultée le 6 mars 2011)