Riche malgré soi

Enfin, l’argent est une autre source de privilèges pour les Canadien-ne-s. Bien que les militantes du Nord puissent se percevoir comme appartenant à la classe populaire dans leur pays d’origine, il n’en reste pas moins qu’à l’étranger, elles auront toujours plus d’argent que n’en possède la population locale. Le fait de renoncer au confort économique le temps d’un séjour solidaire n’efface en rien nos privilèges économiques. En cas de nécessité, nous pourrons, par exemple, nous faire soigner dans un hôpital privé. Et sans même parler de nécessité d’urgence, nous avons généralement le loisir de « prendre des vacances » lors d’un contrat de coopération (un concept souvent étranger aux populations pauvres), de voyager dans le pays, d’acheter des objets exotiques, de choisir notre alimentation, etc. Ce privilège économique crée par ailleurs un déséquilibre au sein du rapport de solidarité puisque nous avons beau vouloir délimiter notre action dans un cadre précis, par exemple, celui de la défense des droits ou de l’éducation, pour ne pas tomber dans la charité, nous possédons des ressources qui pourraient permettre de résoudre temporairement certains problèmes jugés fondamentaux par la population locale. Sur le terrain, la coopérante doit par exemple refuser de donner 2 $ à sa voisine qui n’a pas l’argent nécessaire pour acheter les médicaments de son enfant et lui expliquer qu’elle ne peut répondre à tous les besoins de la communauté, qu’elle n’est pas là pour faire de la charité. Cette même coopérante est enseignante à l’école de l’enfant malade. Elle possède le privilège de décider quelle solution est prioritaire : donner de l’argent pour les enfants malades ou leur enseigner. Sa voisine, pour sa part, ne peut que recevoir l’aide de la coopérante telle qu’elle est définie par cette dernière.

Si le privilège économique est criant dans les rapports interpersonnels entre « internationaux » et population locale, il ne faut pas perdre de vue qu’il est d’autant plus déterminant quant aux relations entre l’ONG du Nord et l’organisation du Sud, puisqu’il est inscrit dans un rapport contractuel .

PARCOURS DE SOLIDARITÉ

Les accompagnatrices et accompagnateurs du PASC assument la totalité des frais de leur séjour en Colombie. D’un côté, cette obligation de débourser pour faire de l’accompagnement en Colombie fournit une preuve de la motivation de celles et ceux qui désirent partir en Colombie; de l’autre côté nous réalisons que ce sont les gens ayant les meilleures situations économiques qui sont avantagés par cette pratique.